Rendez-Vous de la Fragrance #6 : Innovation, éducation et personnalisation

C’est autour du thème « Innovation, mutation ou réassurance ? Retour sur 2014 » que près de 120 professionnels adhérents et acteurs de la parfumerie française étaient réunis le 17 mars dans l’auditorium d’IFF. Pour ce 6ème Rendez-Vous de la Fragrance, quatre intervenants ont livré leur vision de cette année 2014 et apporté leurs angles de vue pour une mise en perspective susceptible d’alimenter la réflexion.

Partenaire de la Fragrance Foundation France, NPD Group nous dévoile depuis trois ans sa vision de l’année précédente. Avec Mathilde Lion, Industry Analyst et Director of Beauty Europe, nous avons fait le tour du monde de l’évolution des ventes de parfums sur les grands marchés. En Europe, + 1% en valeur, mais – 3% en unités. En France, marché à +0,2 et persistance des moments clés, comme mai, juin et décembre, périodes où se sont faites 49% des ventes et 74% des pertes.

Notre challenge ? Redonner sa place au flacon de parfum en tant que cadeau favori. Quelques tendances émergentes relevées par NPD en 2014:
– Sensibilité accrue des consommateurs au prix de vente (seuil psychologique à 50 €). D’où la recherche des promos (représentant 46 % du CA pour 2014) et des petits formats (+1 % de croissance).
– Boum des collections Premium, avec des eaux de parfum plébiscitées par les consommateurs. En 2014, 7% des ventes ont été faites sur des parfums qui coutent plus de 100 € et les collections privées ont représenté plus de 39 % des achats.
– Tendance forte à la personnalisation : gravure de flacons chez Séphora ou pour My Burberry, création de parfums sur mesure proposée par de nombreuses maisons. Mais aussi travail d’éducation du grand public en mettant à l’honneur les ingrédients, comme Dior J’Adore, ou le travail des parfumeurs-créateurs comme Hermès.
– L’expérience en magasins est essentielle. Certains se transforment en véritables écrins à l’image des boutiques By Killian.
– Les parfums de niche sont davantage mis avant dans les grands magasins. Ce segment attire les groupes (cf. rachat des Editions de Parfums Frédéric Malle et de Le Labo par le groupe Lauder, et celui de l’Artisan Parfumeur et Penhaligon’s par Puig).

Pour 2015, la loi Macron sur l’ouverture du dimanche pourrait booster les ventes de 3 à 5%, et un retour à plus d’érotisme dans la communication pourrait là aussi être incitatif !

A suivi une « observation » de Sabine Bouillet-Lubot – Strategic Marketing Manager Fragrance d’Aptar, qui face à la baisse des parfums en unités, incite la profession à se mobiliser pour ré-enchanter, attirer et étonner le consommateur. La société innove sur de nouvelles gestuelles, de nouvelles générations de sprays plus sensoriels qui permettent de s’envelopper véritablement de parfum. Ainsi la nouvelle pompe adoptée par La Nuit Trésor de Lancôme. Autre geste phare : le retour du vapo-poire, pour une pulvérisation raffinée. « Remettre le consommateur au centre d’une expérience magique », c’est l’objectif d’Aptar qui poursuit sa réflexion sur les codes du luxe, habitué à cacher les mécanismes de pompe. Et souhaite éduquer le consommateur sur la gestuelle du parfum. Teasing en final sur une innovation à découvrir au prochain LuxePack.

Comme chaque année, Isabelle Ferrand, directrice générale de Cinquième Sens, a analysé l’évolution olfactive des marchés, pays par pays. En France, la montée de la famille des Orientaux chez les Féminins (50% versus 40% en 2014) est due au trio La Vie est Belle, La Petite Robe Noire, Opium, tandis que les familles Chyprée et Fleurie restent stables. Chez les Masculins, les Orientaux passent de 40% à 30 % et les Boisés restent à 40 %. De façon globale, trois notes propulsent trois univers en avant :

les Fruités ; les Gourmands que l’on retrouve aussi bien dans la Haute Parfumerie que dans la parfumerie confidentielle, et qui inspirent des alliances entre la pâtisserie de luxe et le parfum ( Ladurée et Nina Ricci, Fauchon et Mugler…) ; et enfin, le cuir, qui dans le sillage du Oud est très présent, même en sélectif

Isabelle Ferrand a confirmé cette montée du phénomène des collections de Haute Parfumeries et la multiplication des collections de grandes marques. Grace à Michaël Edwards, (lui-même présent dans la salle !), nous avons pu dénombrer les parfums lancés en 2014 : 1620 ! Et constater une légère baisse des parfums de niches, passés de 548 à 440 entre 2013 et 2014 (ref: http://www.fragrancesoftheworld.info.)

Enfin, pour fermer la marche et ouvrir les fenêtres de nos esprits, Dominique Cuvillier – Consultant en prospective et Stratégie Marketing et auteur d’ouvrages spécialisés en marketing – a adopté un point de vue externe, « gratte-poil » et joyeusement critique sur les nombreux lancements de parfums français, dont peu perdurent finalement ! Il a invoqué sur un mode ironique « l’extension du domaine du flanker», et le «marketing de la néopathie » (occupation frénétique des linéaires en vue d’acheter des parts de marché).

Il a contextualisé ces faits face :
– aux nouvelles aspirations des consommateurs : la « déflasommation » qui les poussent à mieux gérer leurs aspirations face à la baisse de leurs pouvoir d’achat.
– à la concurrence des nouvelles technologies et de marques comme Apple
– au phénomène des « désimpliqués », qui recherchent des produits basiques sans artifice marketing, et qui pourraient représenter 30 à 40 % des consommateurs dans les pays développés
– au manifeste « Anti fashion » de Li Edelkoort contre l’obsolescence acharnée

Alors, QUID du « Fragrance System » ? Quel scénario pour demain ? Le prospectiviste prédit une obsolescence contrôlée se substituant à une frénésie de lancements, une rationalisation et une épuration des références du marché à la manière d’Apple et une expérience de marque en magasin améliorée.

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