Nez à Nez avec Véronique Nyberg

Art, nature, innovation, esprit d’équipe… Parfumeur et vice-présidente de la création fine fragrance chez Mane depuis 2014, Véronique Nyberg nous parle de sa vision du parfum.

Véronique Nyberg, Made

Véronique, pouvez-vous nous parler de votre première rencontre avec le parfum ?

C’est une rencontre qui remonte à ma plus tendre enfance, une histoire d’odeurs et d’émotions, primaire et essentielle, bien avant que je puisse prononcer le mot parfum. Je pense notamment aux champs de narcisses qui fleurissaient et embaumaient tous les printemps autour de chez moi dans les Alpes : c’est un de mes tout premiers souvenirs et l’olfactif était déjà là ! Ma première rencontre avec le parfum à proprement parler s’est faite lors de mes premiers stages pendant mes études de biologie, consacrés à tester les matières premières. C’est là que j’ai réalisé que parfumeur pourrait devenir mon métier. Je suis venue à l’art délicat de la composition en commençant par apprivoiser les matières brutes. 

Vous souvenez-vous de votre première création ?  

J’ai composé mes premières créations à New York. J’avoue ne pas me souvenir de la toute première. Un soliflore iris peut être ? Que je ferais bien sûr totalement différemment aujourd’hui ! C’était une période particulièrement passionnante, vibrante, excitante… et c’est ce sentiment qui m’est resté. Après des années d’études et d’apprentissage de la parfumerie très absorbantes, j’étais plongée dans une atmosphère pleine d’émulation, un bain culturel très riche. 

Avez-vous des ingrédients fétiches dans votre travail ? Des odeurs préférées à titre personnel peut-être ? Y a-t-il à l’inverse des odeurs que vous aimez moins ou pas ?

Il m’est toujours difficile de répondre à cette question. J’ai des préférences successives mais qui ne s’excluent pas. J’aime infiniment travailler les fleurs blanches comme le jasmin et la fleur d’oranger. J’ai une passion pour la charge sensuelle de l’iris. J’aime mélanger le naturel et le synthétique. Je ne pourrais d’ailleurs pas composer sans bois ambré. J’adore notamment l’Ambramone™ et le Driftwood de Mane.

CH Beauties de Carolina Herrera, Eternity Cologne de Calvin Klein et L’Homme Cèdre de Roger & Gallet : quelques créations et co-créations récentes de Véronique Nyberg

Vos fonctions vont aujourd’hui au-delà de la seule création olfactive. Pouvez-vous nous expliquer votre rôle chez Mane ?

Je suis parfumeur avant tout, mais j’ai aussi un rôle de direction créative de l’équipe de parfumeurs de Paris. Aujourd’hui, avec le rythme imposé par les marques pour la création, les parfums sont souvent composés en équipe. C’est un atout que les parfumeurs soient managés par un de leur pairs, qui comprend leur travail et leurs préoccupations au quotidien. Je suis également membre du conseil scientifique de Mane, et cela a été une de mes grandes motivations pour rejoindre cette belle maison familiale. Mane a un héritage très riche et elle est toujours à la pointe de la recherche de nouveaux ingrédients, naturels et synthétiques, qui enrichissent créativement notre palette. C’est un immense privilège de pouvoir participer à ces développements.

Pour quels types de marques créez-vous ?

C’est la chance de travailler dans de grandes maisons de composition : la palette de marques pour lesquelles vous êtes amené à composer est très large, les univers créatifs très divers, les exigences de chacune uniques. Dernièrement j’ai eu le bonheur de créer pour des marques internationales de designers comme Carolina Herrera avec CH Beauties, Laura Biagiotti, Trussardi, Blumarine… Tout en travaillant en parallèle avec des marques d’exception très pointues comme J.F. Schwarzlose Berlin, main dans la main avec le directeur artistique Lutz Hermann.

En tant que créatrice, quelles sont vos sources d’inspiration ?

Depuis toujours, ma plus grande source d’inspiration, ce sont les arts visuels. Je dessine pour me ressourcer, je suis fascinée par la sculpture. J’essaie de ne pas manquer une exposition à Paris. De l’art contemporain à Rodin, ma curiosité me pousse à explorer et à me constituer une bibliothèque d’images qui vont m’inspirer.

Invictus de Paco Rabanne (2013), un parfum créé par Véronique Nyberg, à l’époque chez IFF

Quel parfum d’un autre créateur auriez-vous aimé créer ?

Habit Rouge ! J’aurais aimé créer cet oriental masculin iconique.

Quelles tendances originales voyez-vous pour les parfums demain ?

Je pense que nous allons repenser encore et encore le rapport du parfum à la nature, que ce soit olfactivement ou en tant que produit fini, après avoir été éloignés d’elle si longtemps pour beaucoup d’entre nous. En tant que créatrice, je suis aussi en quête permanente de nouvelles addictions à infuser dans mes créations. J’ai surtout l’impression que, au-delà de la séduction et de la mode, les gens ont à nouveau envie de se parfumer pour eux-mêmes et je pense que cela aura un impact sur l’évolution olfactive des parfums du futur…

https://www.mane.com/

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