Comment le travel retail va-t-il rebondir ?

Très impacté par la crise liée au Covid-19, le travel retail se voit comme un relais de croissance pour l’industrie de la beauté et du parfum. Il en profite pour faire sa mue en devenant plus écologique et plus durable. C’est tout l’enjeu de la première Travel Retail Sustainability Week, confie Michael Barrett, responsable développement durable de TRBusiness, organisateur de l’évènement dont la Fragrance Foundation est partenaire.

Michael Barrett, Responsable RSE chez TRBusiness

Comment le travel retail se portait-il avant le Covid-19 ?

Avant la pandémie, l’industrie du travel retail connaissait une croissance constante, non seulement due au nombre de voyageurs en hausse année après année, mais aussi grâce à une offre de qualité, des exclusivités travel retail, et des activités de marketing et de merchandising innovantes. L’industrie a plus que doublé en valeur en 10 ans, passant d’environ 40 milliards de dollars en 2010 à plus de 86 milliards en 2019.

Que représentaient les ventes de parfums et cosmétiques avant la crise?

La catégorie beauté a dépassé la croissance moyenne. En 2010, elle représentait environ 12 milliards de dollars et ses ventes ont triplé pour atteindre un montant de 38 milliards de dollars en 2019.

Lancôme à l’aéroport international de São Paulo Guarulhos au Brésil ©TRBusiness

En cette période où les voyages ont beaucoup diminué, comment le travel retail a-t-il été impacté ?

En travel retail, avec les aéroports, les compagnies aériennes et les sociétés de croisière, nous sommes très impactés par le Covid comme vous pouvez l’imaginer. D’après les analyses de la société d’études de marché suisse m1nd-set, qui est spécialisée dans le secteur du voyage et du travel retail, le trafic aérien international a baissé en moyenne de 70 à 82 % selon les régions. Cela veut dire que les ventes en duty free ont subi la même chute libre. La baisse est estimée à environ 75 % en 2020.

Vous lancez cette année la Travel Retail Sustainability Week. Pourquoi ?

La Travel Retail Sustainability Week, qui est organisée par TRBusiness, la maison d’édition spécialisée dans le secteur du Travel Retail, est un salon virtuel innovant et unique. C’est en effet le premier salon dans le secteur du travel retail totalement dédié aux questions de RSE, notamment les pratiques des entreprises responsables vis-à-vis de l’environnement. Il consiste en trois parties. D’abord nous organisons une série de « Sustainability Pitches » (argumentaires de développement durable, NDLR) pour permettre aux acteurs du secteur de présenter leurs initiatives écoresponsables à un panel de 25 juges, tous directeurs provenant de divers aéroports et concessionnaires duty free. Cet événement donnera accès à deux types de prix ou libellés en fonction de la moyenne des scores alloués par les juges : soit « Travel Retail Sustainability Trailblazer » (pionnier, NDLR) soit « Travel Retail Sustainability Hero » (champion, NDLR) pour les initiatives qui sortent du lot. Les initiatives soumises par divers groupes, dont quelques marques de beauté comme Guerlain, L’Occitane en Provence, L’Oréal, Moroccanoil et Puressentiel, révèlent une très grande qualité et des investissements dans les pratiques écoresponsables qui deviennent très sérieux.

Ce salon comprend également des conférences, lesquelles ?

La deuxième partie de l’événement, en effet, ce sont les webinaires dans lequel nous allons présenter les pistes des marques pour le développement durable. L’agenda comprend diverses sessions sur des thèmes pertinents pour le secteur. Nous avons une session dédiée à la catégorie beauté dans laquelle interviendra Nathalie Helloin-Kamel, directrice de la Fine Fragrance chez Takasago et également vice-présidente de la Fragrance Foundation France. Elle sera accompagnée dans cette table ronde par Cécile Lochard, directrice du Développement Durable chez Guerlain, Jean-Charles Lhommet, directeur Biodiversité & Filières durables chez L’Occitane, et Luce Grossetête, consultante spécialiste de la beauté durable également auprès de la Fragrance Foundation. Il y aura également une session sur le packaging écoresponsable, au cours de laquelle nous allons essayer de mettre en avant les alternatives au plastique à usage unique pour mieux comprendre lesquels sont vraiment les moins polluants. Cela comprend tout type de plastique présent dans le secteur, sacs, emballages, mais aussi couverts, bouteilles, flacons etc. D’autres sessions seront tournées vers les perspectives de la consommation responsable, les partenariats écoresponsables entre aéroports, concessionnaires et marques, ainsi que vers les interventions de divers leaders dans le secteur et leurs investissements pour devenir plus responsables envers l’environnement. La session « Keynote » accueillera le fondateur de l’entreprise sociale « The Plastic Bank » aux côtés d’un représentant de l’Organisation Mondiale du Tourisme des Nations-Unies.

Quel est le troisième volet ?

Ce dernier volet, très important pour tout salon, est bien évidemment l’aspect réseautage – le networking, qui est gratuit pour tout inscrit. Les directeurs et fondateurs de TRBusiness ont souhaité maintenir l’accès gratuit pour toute société du secteur ainsi que pour toute société avec des solutions écoresponsables qui souhaitent rencontrer les acteurs du duty free. L’objectif est de faire en sorte que le secteur se donne tous les moyens de devenir moins polluant en rencontrant les nombreuses sociétés qui proposent des solutions durables. Les acteurs du secteur du luxe communiquent de plus en plus sur la RSE. Cette tendance initiée en B2B commence à se développer dans le discours auprès des consommateurs.

Pensez-vous que c’est une tendance forte des prochaines années ?

C’est certain. Nous voyons deux tendances très intéressantes en ce moment. D’une part, les consommateurs deviennent de plus en plus avertis vis-à-vis des questions environnementales : ils optent de plus en plus pour des produits et services écoresponsables, même si le prix est plus élevé. D’autre part, nous commençons à voir certaines institutions financières devenir plus strictes lorsqu’il s’agit de financement d’entreprise, en accordant des prêts uniquement si la société demandeuse coche un certain nombre de cases RSE et se conforme à des pratiques écoresponsables. Ces deux tendances vont obliger toute société qui fabrique et/ou vend des produits de grande consommation à se conformer à des pratiques plus écoresponsables. Les marques de parfums ont par le passé créé de nombreux produits en exclusivité pour le travel retail.

Chanel Parfums à l’aéroport international Hamad au Qatar ©TRBusiness

Cette exclusivité va-t-elle faire son retour selon vous ? Quelles pistes originales voyez-vous pour l’achat de parfums en circuit travel retail ?

Absolument. Nous constatons l’importance des produits en exclusivité dans toutes les études de marché auquel nous avons accès grâce à notre partenariat exclusif avec m1nd-set. Mais, au-delà des exclusivités en travel retail, le storytelling est également très important pour continuer à séduire les consommateurs post-Covid. L’histoire du produit, l’origine des ingrédients, les communautés qui ont travaillé sur le terrain… Sans oublier l’aspect commerce équitable, c’est-à-dire comment les marques soutiennent ces communautés avec des revenus justes, des programmes éducatifs pour les enfants, ou des projets liés à la sante ou à l’hygiène, comme par exemple la construction de WC. Tout cela touche un segment de plus en plus important de consommateurs, notamment les générations X et Y qui sont plus sensibles à ces aspects que les consommateurs plus seniors. En plus de cela, il y a bien sûr la théâtralisation du point de vente, avec des animations exclusives, l’utilisation des nouvelles technologies pour personnaliser l’expérience et le produit final. Toutes ces pratiques traditionnelles continueront à séduire le consommateur de luxe et les consommateurs chinois qui recherchent particulièrement des produits et des expériences qu’ils ne trouvent pas chez eux.

Pour conclure, une question olfactive. Dans la vie de tous les jours, quelles odeurs vous font-elles vibrer ? Quels parfums aimez-vous porter ?

Je vis en Australie et j’aime beaucoup l’odeur du jasmin lors de la floraison. Aux mois de décembre et janvier, je peux en sentir partout dans le quartier. Ceci dit, je n’irais pas jusqu’à porter un parfum qui sent le jasmin ! J’ai plusieurs favoris chez Armani, Montblanc, Givenchy, Christian Dior, et j’aime Obsession de Calvin Klein.

En savoir plus sur la Travel Retail Sustainability Week

Partager cet article