George Stam, collectionneur de flacons de parfum

Des États-Unis au Canada, de Monaco à Hong Kong, la collection de George Stam se concentre sur la période de prédilection de cet amateur d’art, les Années folles.

Elle débute en 1906 avec l’association de François Coty de René Lalique qui marque la véritable naissance de la parfumerie commerciale moderne et va jusqu’aux années 1960 et la fin des flacons bouchés à l’émeri verre contre verre ou cristal contre cristal.

La collection se compose également d’éditions limitées, de séries spéciales de parfumeurs prestigieux : Guerlain, Dior, Chanel, Lancôme, Armani, Cartier, Maison Lalique et Baccarat entre autres.

George est un dandy-amateur de belles choses, un érudit curieux de raconter la parfumerie, un chasseur d’objets sublimes empreints d’histoires, un épicurien généreux aime raconter ce qu’il a de plus cher au monde : sa collection.

George Stam, collectionneur de flacons de parfum @Isabelle Sadoux

Par Isabelle SADOUX

Votre collection a débuté par un coup de foudre pour une tortue n’est-ce pas, George ?

GS : Absolument. Il y a exactement 33 ans, je me promenais à Genève pour mes affaires. Je suis passé devant un magasin d’antiquités et mon regard s’est porté sur une vitrine où il y avait des flacons de parfums. En particulier un flacon, sous forme de tortue : il m’a absolument fasciné, extraordinaire ! Ce fut comme un coup de foudre, électrifié. J’ai pris la pièce dans la main, il était lourd, c’était un flacon en baccarat …

Qu’avait-il de particulier ?

Ce flacon a été réalisé pour la maison Guerlain en 1914. Il devait fêter l’ouverture de la boutique des aux Champs-Élysées en 1912, mais les travaux ont eu beaucoup de retard. Deux ans plus tard, la maison s’est adressée aux cristalleries de Baccarat pour faire un flacon sous forme de tortue…. certainement comme clin d’œil à la lenteur des travaux. Quand j’ai acquis le flacon, il n’y avait pas d’étiquette, il était juste numéroté.

Depuis, comment choisissez-vous vos flacons … à moins que ce ne soit eux qui vous choisissent ?

Parfois, ce sont les pièces qui viennent à moi. Il m’arrive par exemple de penser à un parfumeur ou à un modèle qui me passionne et curieusement quelques mois après la pièce à laquelle j’avais rêvée vient à moi. Toute la collection a été composée ainsi. Mais il faut travailler pour avoir une collection, aller chez les antiquaires ou aux puces: c’est une activité à temps plein.

Quelle est votre époque de prédilection ?

La période que je préfère concerne les années 20-30, dites Art Déco. Dans ces années-là, il y a eu des choses extraordinaires. Beaucoup de parfumeurs se sont lancés, ils voulaient tous réaliser ce qu’il y avait de plus beau ! Durant ces années-là, – jusqu’en 1929 avec la crise de Wall Street – les maisons éphémères sortaient un, deux, trois modèles. J’ai une vitrine consacrée aux flacons Art Déco et une autre à l’Art nouveau

Cette période et vos flacons ont été au coeur d’une exposition à Baccarat qui s’appelait « Le flacon en majesté – esprit d’une collection ». Comment l’avez-vous imaginée ?

Grâce à Anne Camille, commissaire de l’exposition, 250 pièces de la collection étaient présentées selon plusieurs thèmes : égyptien, asiatique, féminin, animalier, la mode, les flacons, les parfumeurs Des pièces étaient en cristal. On y retrouvait des couturiers- parfumeurs connus comme Paul Poiret, Jean Patou, Christian Dior présents durant toute cette période du début du siècle. On était plongés dans les années 20-30. Il s’agissait d’un défilé de couturiers : chaque silhouette représentait un flacon. Sur la tenue du couturier Paul Poiret trônait un flacon de Poiret, et ainsi pour Patou, Schiaparelli etc.

On a cité Baccarat et Paul Poiré. Il y a un autre duo au service des flacons : Coty et Lalique.

Coty a été effectivement un des premiers à se lancer dans les flacons à parfum. Il s’est adressé principalement à Lalique. Il n’y avait pas de modèles spécifiques dans les années 1910-1915. Les flacons étaient plutôt carrés, rectangulaires. Il n’y avait pas beaucoup de fantaisie, contrairement aux coffrets qui avaient d’élégantes étiquettes et des cordons colorés.

À vos yeux, quels sont les critères d’un beau flacon ?

C’est le toucher, le coup de foudre, le modèle, la silhouette : c’est très important.

Que nous apprennent les flacons sur l’histoire du parfum ?

Ils nous apprennent tout sur les maisons de parfum.

Tout ce qui est antérieur au 17e -18e concerne des fioles qu’on remplissait soi-même. Puis, il y a eu les noms des maisons inscrits sur les flacons dont les bouchons étaient en verre. On parlait de « verre contre verre ». Très souvent il y avait un numéro sous le flacon et un numéro sur le bouchon et ils devaient correspondre. Puis le bouchon est devenu plastifié et le flacon a été remplacé par des atomiseurs, des sprays : c’est beaucoup moins intéressant en ce qui me concerne.

Etre collectionneur demande de la curiosité, de la patience, de la persévérance …

Durant ces 33 ans, je suis devenu un peu marchand : j’achète des pièces, je me défais de certaines pièces. Je n’ai pas toujours fait le bon choix, mais très peu d’erreurs. J’ai pu revendre des pièces et à chaque fois, j’ai acheté une pièce pour me faire plaisir. Il y a automatiquement un côté mercantile.

Quel est le flacon que vous rêvez d’acquérir ?

Celui que je n’ai pas encore !

Comment voyez vous l’avenir de votre collection dans les années à venir ?

Je souhaite très sincèrement que cette collection reste entière. Mon espoir est de pouvoir le transmettre dans un musée, un lieu dédié, peut être à Baccarat ou ailleurs, peu importe.

Il faut que cette collection puisse être vue par beaucoup de personnes : c’est mon désir.

Et puis, pourquoi pas raconter dans un livre toutes les histoires et les anecdotes… Car presque chaque flacon à une histoire.

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