Interview de Sébastien Tissot, fondateur de Nissaba

Grande-Île, Nissaba, box et flacon

Nissaba, toute jeune marque lancée en 2022, vient de recevoir le Prix de l’Innovation Responsable pour un Parfum de la Fragrance Foundation France, catégorie « Espoir de la Parfumerie », avec son parfum Grande-Île

Son fondateur Sébastien Tissot nous raconte la genèse de ce projet, et ce que représente ce Prix pour lui.

Sébastien, vous avez passé de nombreuses années au sein d’une maison de composition. De quelle façon vous êtes-vous appuyé sur cette expérience lorsque vous vous êtes lancé dans l’entrepreneuriat ?

Sébastien Tissot, co-fondateur de la marque Nissaba

Lorsque j’étais chez Firmenich, j’ai créé et dirigé la fonction de « Responsible sourcing » pendant près de 10 ans. Il s’agissait d’assurer la responsabilité de l’approvisionnement sur toute la chaîne de valeur.

Ce projet m’a conduit à travailler sur l’alignement entre les demandes des clients, les impératifs business, les besoins de la « sustainability » et la chaîne de fournisseurs, avec notamment les acheteurs de matières premières. J’ai pu découvrir le point de vue de toute la chaîne : celui des marques, des parfumeurs, et de toute la supply chain – des exportateurs d’ingrédients naturels jusqu’aux agriculteurs. 

Je suis beaucoup allé sur le terrain et me suis nourri de l’ensemble des avis de cette chaîne pour répondre à la question « c’est quoi, un parfum durable ? »

Cette question m’a inspiré dans la création de ma marque, que j’imaginais « fully sustainable » sur toute la chaîne de valeur.

Le rêve de la « sustainability », c’est d’aller vers l’impact positif, de façon environnementale, sociale et économique. Mon ambition est d’être la marque la plus aboutie possible dans l’idée de créer de l’impact positif, tout en étant une marque désirable : nous sommes dans le parfum, dans l’émotionnel, c’est très important de garder la désirabilité en tête.

« Grande-Île » a remporté le Prix de l’Innovation Responsable pour un Parfum de la Fragrance Foundation France, catégorie « Espoir de la Parfumerie ». Quelle est pour vous l’innovation responsable principale mise en œuvre dans cette création ?

Pour moi, l’innovation responsable principale, c’est le business model que j’ai à cœur de mettre en place : la double ambition de proposer une marque désirable, avec un ADN fort et différencié, et celle de proposer une marque à impact, via le financement de projets d’agriculture. Nous allouons 5% de nos ventes à cette ambition. 

Aujourd’hui, nous contribuons à financer deux projets, dont un directement lié aux matières premières présentes dans « Grande-Île », à Madagascar. Là, nous sommes adossés à l’école d’agriculture ‘Mahadera’. Nous accompagnons les jeunes diplômés afin qu’ils ne soient pas uniquement dépendants de la vanille. En effet, le prix de la vanille est très volatile, et c’est difficile d’anticiper les cours. Ainsi, il est nécessaire d’avoir d’autres options. Des agronomes dessinent le projet avec nous. Nous finançons l’acquisition de plants et d’arbres tels que le café, le girofle, le bois de chauffe…. Nous accompagnons ensuite les jeunes diplômés dans la plantation, en modèle micro-agroforesterie.

C’est un travail d’équipe, puisque Firmenich, créateur de nos jus, participe au financement de l’école, et Authentic, l’exportateur malgache de vanille avec qui nous travaillons, sont tous deux partenaires du projet.

Tout cela est lié à la raison d’être de notre marque : accompagner les hommes et femmes de la filière des plantes à parfum, en s’adossant à des écoles d’agriculture. 

Le choix de notre nom de marque, Nissaba, n’est d’ailleurs pas anodin : l’agriculture a été inventée par les Sumériens. L’écriture y est aussi née, parce qu’il fallait formaliser les échanges de denrées agricoles. Nissaba, déesse de l’agriculture, est ainsi devenue déesse de l’écriture. Les toutes premières écoles avaient le symbole de Nissaba sur leur fronton. Et ainsi, avec nos projets au sein de Nissaba, nous allions l’agriculture à l’enseignement.

Grande-Île, Nissaba

On pourrait dire que nous sommes une marque bicéphale, « cerveau droit et cerveau gauche ». Cerveau droit : marque de niche premium avec les meilleurs parfums possible. Cerveau gauche : agenda « non for profit » sur l’agriculture, nourri par le fait de donner 5% de nos ventes.

Les marques qui nous ont inspirés, avec une approche similaire en termes de business, sont Toms’ shoes, Veja ou Patagonia. Notre ambition est d’être l’équivalent pour la parfumerie.

Hormis cet engagement sociétal partie intégrante de l’ADN de marque, dites-nous de quelle façon votre marque Nissaba s’engage en matière environnementale et sociale ?

Nous avons essayé de minimiser notre empreinte environnementale sur le parfum et le flacon.

Sur le flacon, nous avons travaillé sur l’empreinte carbone en particulier : le verre a une empreinte d’environ 80g de CO2e (scopes 1, 2 et 3) ; il me semble que c’est le 100mL parmi les plus bas du marché. Également, le flacon est rechargeable, il n’est pas teinté, nous n’y mettons pas d’étiquette pour ne pas perturber le recyclage, et pour toutes les pièces nous nous fournissons dans un rayon de 300km autour de Genève, où nous sommes basés.

En ce qui concerne le jus, nous utilisons de l’alcool de blé bio, et nous n’y avons ajouté ni colorant ni filtre UV. 

Enfin, pour la composition parfumante, nous sommes attentifs à la traçabilité des ingrédients naturels, qui sont présents à fort dosage. Nous tenons à ce fort dosage, qui est un élément de qualité et de positionnement de la marque. Chaque parfum de la gamme est composé d’ingrédients naturels provenant d’un terroir en particulier. Pour « Grande-Île » par exemple, les matières premières naturelles emblématiques -vanille planifolia, baie rose, poivre noir, girofle- proviennent de Madagascar.

Que représente cette récompense professionnelle, et que pensez-vous qu’elle va pouvoir vous apporter dans le développement de votre marque ?

Ce Prix de la Fragrance Foundation nous apporte d’abord de la crédibilité au sein du marché des parfums. Nous avons besoin que notre projet soit en quelque sorte « validé » par une « assurance externe reconnue ». 

Ce Prix étant remis par une institution qui fait autorité dans l’industrie du parfum, cela nous crédibilise.

Et puis, cela fait plaisir, aussi ! Quel boost on ressent et quelle envie cela donne de continuer !

Mon rêve à présent ? Recevoir un jour le Prix du meilleur parfum de niche, un autre Fragrance Foundation Award.

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