Nez à Nez avec Sissi et Christopher Freeman

Par Marie-Bénédicte Gauthier

GRANADO : LE PARFUM MADE IN BRAZIL

La cultissime marque de parfums Granado caracole en tête des ventes au pays des cariocas, mais pas seulement.  En Europe, elle souffle un élan créatif avec ses parfums aux codes aussi vintages qu’un air d’Antonio Carlos Jobim, empreints d’une folle modernité. Rencontre avec Christopher Freeman, président de cette noble institution et sa fille Sissi, directrice Marketing de Granado et de Phebo. 

Granado embrase l’imaginaire de tout un pays. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette marque qui a fêté ses 150 ans en 2020 ?

C’est d’abord l’histoire d’un apothicaire portugais, José Antonio Coxito Granado, à l’origine de la première pharmacie de Rio de Janeiro, la Pharmacia Drogaria, au cœur de la ville, et qui existe toujours. Grâce à ses onguents médicinaux pour toute la famille, sa réputation a coloré le temps et enflammé les esprits, jusqu’à l’empereur Pedro II : Granado est ainsi devenue la première marque officielle de la famille impériale du Brésil. 

En 1994, nous l’avons reprise via l’un des derniers représentants de la famille. Puis en 2004, nous avons procédé à l’acquisition de Phebo, la première marque de parfumerie brésilienne de luxe, établie à Belem au cœur de l’Amazonie.

Phebo, la marque aux petits savons de glycérine transparents !

En effet, et ce qui est intéressant, c’est que ces savons ont représenté le premier accès au parfum au Brésil. L’historique « Odor de Rosas », élaboré au bois de rose, demeure absolument unique dans l’imaginaire brésilien. Dans les années 40, le lancement du premier parfum de grande consommation « Seiva de Alfazema » suggère une autre manière de se parfumer : le splash. Mais ce parfum de lavande a aussi intégré les rites religieux ! C’est la pratique du lavage des Bahianais : ils mélangent l’eau de lavande à de l’eau pour nettoyer les marches des églises. Il est d’ailleurs amusant de savoir qu’à la Madeleine à Paris, une fois par an, la communauté brésilienne s’adonne à ce rituel…

En 2015, c’est le lancement de « Carioca », la première Eau de Toilette Granado, suivie de plus de 40 références. Comment expliquez-vous ce succès ? 

Par une grande attention portée aux jus qui doivent se différencier et par un dialogue fluide avec les maisons de parfums. Certains parfumeurs viennent aussi à nous ! C’est le cas de Cécile Zarokian, parfumeuse indépendante, à l’origine du best-seller « Bossa », un floral solaire extraordinaire. Nous ne fonctionnons jamais sur des benchmarks, il faut que cela fasse sens. Par exemple, pendant des années nos distributeurs nous ont demandé un parfum Oud, mais nous trouvions que cela ne collait pas à l’identité brésilienne… jusqu’au jour où Leonardo Lucheze de chez Takasago est venu avec une proposition « métissée » à l’écriture fraîche et vivace. 

Depuis, vous multipliez les ouvertures de boutiques, en Europe notamment. 

Nous avons effectivement une stratégie de développement sur le parfum avec des boutiques à Paris, Londres, Lisbonne, Bruxelles, d’autres qui vont éclore… Les vents porteurs de 2022, post-Covid, ont redessiné les contours d’un marché plus désireux de fragrances, c’est un luxe sensoriel accessible à tous. Cela représente désormais 75 % de notre activité. 

Quel est votre mode de distribution au Brésil ?

Au Brésil, notre politique a porté ses fruits. Nous voulions une parfumerie à la portée des consommateurs. C’est un pays tellement immense que les gens ont du mal à se déplacer. De plus, le système d’expédition postale est parfois défaillant. Nous avons eu l’idée d’engager des partenaires locaux, des sortes de relais pour que le système de e-commerce fonctionne. Les ventes ont augmenté de 400 %. Les boutiques, elles, se développent partout, comme de véritables lieux de vie.

Le groupe Puig est rentré à hauteur de 35 % dans votre capital en 2016. Que cela a-t-il changé ?

Puig est un excellent partenaire. Le deal s’est fait après que nous ayons énormément investi dans notre usine de Japeri avec une technologie 4.0.  Ils n’interviennent pas dans la création, mais nous aident à trouver de nouveaux supports hautement technologiques, comme les cuves de macération de nos parfums, par exemple. Il faut savoir que nous avons fait le vœu d’une parfumerie de qualité mais aussi d’un management responsable et d’une économie circulaire. « Rien ne se perd, tout se transforme » pourrait être notre maxime, nous n’avons pas attendu d’injonction pour opérer cette transition. Et puis le Brésil, c’est le poumon du monde, nous sommes très attachés à la préservation de ses ressources naturelles.

Comment décririez-vous Granado en quelques mots ?

Unique, avec son ADN brésilien et l’imaginaire de cette nature luxuriante et foisonnante à respecter plus que jamais, la naturalité étant non négociable. Nous avons aussi une image très lifestyle avec notre iconographie inspiré des étiquettes vintage de Granado et des play-list associées.

Nous croyons aussi à la culture du parfum, il faut savoir en parler. Nous organisons des conférences avec des experts, des influenceuses. Expliquer un parfum, c’est offrir un supplément d’âme à l’industrie.

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