Éloge du cool

Par Lionel Paillès 

Le cool est une sensibilité

Le cool est une sensibilité : l’art subtil de rompre avec les convenances sans pour autant tout envoyer promener. On connaît quelques visages qui incarnent à merveille cette esthétique : Steve McQueen, Barack Obama, Marvin Gaye, Ryan Gosling, Jason Schwartzman, Pharrell Williams, Wes Anderson ou chez nous Jean-Paul Belmondo et Françoise Sagan. 

Être cool (de l’anglais “se rafraîchir”), c’est laisser transpirer de soi, et en soi, une sorte de désinvolture par rapport à la réalité des choses. Le Cool, c’est une attention flottante au monde, une manière de détachement, un art d’effleurer les choses. Il ne s’agit pas de nier les troubles ou les joies auxquels on est confronté, mais de les voir et de les vivre à travers un écran. L’individu cool ne veut pas adhérer, ni peser ; il ne veut pas être profond si ce mot est synonyme de gravité. Il vit du bout des lèvres et des yeux, et préfère butiner, circuler, effleurer. La musique cool par excellence, c’est la bossa nova. Un vêtement cool, on se doute : veste en lin et jean. 

Mais où se situe le cool en parfum ?

Comment se traduit olfactivement cette espèce de désinvolture, ce détachement ? Disons qu’un parfum cool sera invariablement frais (étymologiquement, le mot est issu de l’anglais “rafraîchir”), musqué, léger, stylé, beau et fun à la fois, assez facile à porter et “lisible”. La confusion, c’est pas cool du tout! Mais qu’on ne s’y trompe pas : l’essence du cool est hédoniste, elle n’a pas grand-chose à voir avec une sorte de moins-disant olfactif qui passerait totalement inaperçu. Quand je pense cool,  je vois l’image d’une de ces compositions au parfait équilibre qui semble faite pour soi avant de s’adresser aux autres, avec une vraie signature mais sans trop de puissance. Facile sans être simpliste. Gaie sans être sentimentale. La distance que garde le cool par rapport aux règles sociales le protège de toute tentation de branchitude : nul parfum de niche un peu trop bizarre, et donc un peu trop suffisant, ne peut prétendre être cool. 

Une néo-Cologne, pour peu qu’elle réserve quelques surprises quand même, est certainement cool et peut même violenter le ronron ambiant, qui ne mise que sur l’intensité et le décibel olfactif. Finalement, le parfum cool a la politesse de n’être ni rugueux, ni violent, ni agité, juste un peu décentré. Il reste à sa place sans jamais faire de figuration. 

Une notion de parfait équilibre

Dans l’histoire de la parfumerie, le mètre-étalon du cool, c’est probablement l’Eau d’Orange Verte (Hermès). Un peu plus près de nous, CK One (Calvin Klein) a la couleur du cool. Tout comme Jardin à Cythère (Hermès), L’eau papier (Diptyque) et Aqua Media (Maison Francis Kurkdjian). La dernière création de Jean-Claude Ellena pour Frédéric Malle, Heaven Can Wait, où « rien ne choque ni ne crie » est on ne peut plus cool dans son genre. 

Dans une époque aussi anxiogène que la nôtre, des parfums dont la seule ligne de conduite est de nous protéger de la dureté du monde, on en redemande. 

Partager cet article

h