Fragrancia, le thriller olfactif écrit par un parfumeur

Par Lionel Paillès

Patrick Süskind nous avait prévenu : « Qui maîtrise les odeurs, maîtrise le cœur de l’humanité. ». L’auteur du best-seller “Le Parfum”, paru en 1985, a imprimé une telle empreinte sur la littérature olfactive que presque personne n’a osé depuis s’y confronter, s’y comparer, s’y ridiculiser. C’est dire si l’entreprise de Paul Richardot, auteur du roman Fragrancia, était osée.

Afin de ne pas souffrir de la comparaison avec son illustre aîné, l’écrivain a voulu chercher sa propre voie. Déjà, point d’arrière-plan historique dans ce roman mais une atmosphère de thriller urbain bien d’aujourd’hui. Précisons que l’auteur de Fragrancia ne sort pas de nulle part. Passé par l’Ecole Supérieure du Parfum à Paris, il a co-fondé, ou plutôt relancé la maison Violet avec deux amis rencontrés sur les bancs de l’école. Dans cette entreprise, le rôle qu’il tient est celui du storyteller, celui qui met l’histoire en mots, le conteur en quelque sorte. Après avoir participé à plusieurs concours de Nouvelles, l’envie d’écrire un roman le titille. Encore faut-il trouver la bonne idée, celle qui pourra tenir en haleine un lecteur sur 200 pages. « On m’avait conseillé d’écrire sur un sujet dont j’ignorais tout. J’ai perdu 4 ans de ma vie et j’ai fini par revenir à ce que je connaissais : le parfum », s’amuse le jeune auteur. Paul Richardot aime raconter des histoires et se sent dès les premières pages de ce roman captivant dont voici le pitch : la société Fragrancia offre à quelques privilégiés de revivre les moments les plus précieux de leur vie. Pour y parvenir, elle utilise des parfums couplés à la SVM, une substance psychotrope grâce à laquelle le client entre dans une sorte de transe mémorielle. Cette drogue que tout le monde s’arrache fait l’objet d’un trafic féroce. La trame policière est toute trouvée. Sans jamais tomber dans la leçon de choses ni le langage expert, l’auteur nous transporte dans les coulisses de la fabrication des parfums et explique mieux que bien des ouvrages scientifiques comment l’odeur fait rejaillir du cerveau des souvenirs enfouis.

Paul Richardot raconte que l’idée du roman est venue de sa rencontre avec un grand parfumeur célèbre à qui on avait demandé de composer un parfum qui n’altérerait pas le goût de l’alcool. La raison était aussi étonnante qu’inavouable : il s’agissait de passer de l’alcool en contrebande en URSS, camouflé dans des flacons de parfum. « Immédiatement, j’ai su que je tenais mon point de départ : l’existence d’une mafia du parfum ». Dans ce récit bien troussé, il est effectivement question d’une mystérieuse drogue, d’une confrérie, les “olfates”, capable de traduire un souvenir en formule chimique, de la ville du Mans, du chanteur Woodkid, d’un jeune héros aussi naïf qu’ambitieux qui voudrait devenir l’un de ces olfates tant recherchés. Le roman se dévore en une nuit et on apprend au passage plein de choses sur la chimie des odeurs et le quotidien de l’odeur-compositeur. Il serait même étonnant des vocations de parfumeur ne naissent pas à la lecture de ce premier roman. À la demande de son éditeur, Paul Richardot est déjà en train d’écrire la suite de Fragrancia et selon quelques indiscrétions, le personnage de Cornélia, à la tête de la mafia du parfum, pourrait bien cette fois-ci être au centre de l’intrigue. Fragrancia de Paul Richardot, éditions JCLattès. 20,90€

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