IFF & LMR : Un écosystème en état de Grasse 

Par Marie-Bénédicte Gauthier

A l’occasion de l’inauguration du nouveau Centre d’innovation des naturels LMR à Grasse, nous avons rencontré Sabrya Meflah, Présidente IFF Parfumerie Fine et Bertrand de Préville, Directeur Général LMR Naturals. Pour nous, ils évoquent comment naturel, création et innovation sont le terroir d’un écosystème gagnant.

Bertrand de Préville, Directeur Général LMR Naturals et Sabrya Meflah, Présidente IFF Parfumerie Fine lors de l’inauguration du nouveau hall pilote de pointe de LMR à Grasse

Le 8 septembre 2025, IFF et LMR ont inauguré à Grasse l’extension du siège des ingrédients naturel de LMR, et un champ d’expérimentation inouïe. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Sabrya Meflah : Grâce à un investissement de 10M€ nous avons pu augmenter la surface de notre site de plus de 75%. D’une surface de 4687 mètres carrés, ce centre pilote est sans équivalent dans l’univers de la parfumerie. Au-delà de l’extension immobilière, il va voir éclore toute une nouvelle génération de naturels, ceux qui agrandiront la palette de nos parfumeurs et façonneront ainsi la parfumerie du futur. 

Bertrand de Préville : J’ajouterai que le jour même de l’inauguration, nous avons signé officiellement l’acquisition du champ de Constant Vial, qui se trouve non loin du site LMR. Un heureux timing … Constant Vial a été tout comme Monique Remy, fondatrice de LMR, un pionnier du naturel et de la culture bio. C’est lui, par exemple, qui avait en quelque sorte « sauvé la tubéreuse » qui n’existait plus à Grasse.  Cette propriété va nous permettre d’accélérer le volet d’une expérimentation à ciel ouvert, de comprendre le métabolisme de certaines plantes, d’expérimenter des extractions en proximité, etc.

De gauche à droite : Charbel Bouez, SVP IFF, R&D, Scent, Ana Paula Mendonca, Présidente IFF, Scent, Jérôme Viaud, maire de Grasse, Sabrya Meflah, Présidente IFF Parfumerie Fine, Bertrand de Préville, Directeur Général LMR Naturals, Corinne Renaudie, VP IFF Finance Scent et Jose Jaime Gomezflores, SVP Operations Scent 

Revenons en arrière. L’acquisition de LMR par IFF en 2000 a participé à la renaissance de Grasse en tant que capitale du parfum. Peut-on dire que vous avez été visionnaire en créant un nouvel écosystème ?

Sabrya Meflah : Oui ça a été une véritable révolution qui résonne particulièrement chez moi.  À l’époque, toute l’industrie se détournait du naturel.  IFF investissait dans la parfumerie fine et c’est à ce moment qu’est venue l’idée de s’agrandir avec notre équipe de parfumeurs avec entre autres Dominique Ropion, Anne Flipo ou Laurent Bruyère.  Nos parfumeurs nous ont alors dit : « Nous avons à disposition des molécules de synthèses extraordinaires, pour aller plus loin, il nous faut enrichir notre palette de matières naturelles, et nous souhaitons travailler avec Monique Rémy, la référence absolue. Cette rencontre a été décisive : Monique ne souhaitait pas vendre sa société, mais notre vision, fondée sur le respect des parfumeurs et sur l’investissement dans l’innovation, l’a convaincue. Elle est restée chez LMR, accompagnant son développement avec le soutien d’IFF. Des parfumeurs qui ne sont pas chez IFF, aussi renommés que Jacques Cavallier (Parfumeur Maison Vuitton) ou Christine Nagel (Hermès) saluent encore l’héritage de IFF et LMR comme étant les premiers à être revenus à Grasse.  

Bertrand de Préville : Saluons aussi le travail remarquable de Jérôme Viaud, maire de Grasse qui a su préserver la ville et la dynamiser comme épicentre de l’industrie du Parfum.

Nouveau site de Production LMR Naturals à Grasse

Sabrya Meflah : Nous avons tenu à maintenir son autonomie. LMR reste une entité indépendante, mais adossée à la puissance financière et scientifique d’IFF. Nous avons respecté et amplifié les valeurs fondatrices de Monique : le 100 % pur et premium, la soutenabilité, les contrats à long terme avec les producteurs, le souci constant de créer de la valeur partagée.

Comment avez-vous réussi à préserver l’esprit de LMR après cette acquisition ?

C’est cette fidélité aux principes de départ qui a permis à LMR de devenir un acteur clé de la renaissance Grassoise.  Et d’inspirer de nombreux autres acteurs, maisons de compositions ou marques. Ça a distillé les bases d’un nouveau rêve où authenticité rime avec high-tech et durabilité.  L’écosystème gagnant d’un futur désirable. 

Nouveau champ expérimental proche du nouveau site LMR Naturals à Grasse

IFF a aussi créé l’Atelier du Parfumeur

Sabrya Meflah : Oui, un autre jalon. Cet espace a été conçu comme une « Villa Médicis » pour nos artistes parfumeurs : un lieu de travail inspirant, loin du rythme effréné des marques, où ils peuvent explorer librement leurs pistes olfactives, accompagnés par Florence Dussuyer, directrice et évaluatrice reconnue.

Nouveau champ expérimental proche du nouveau site LMR Naturals à Grasse

Parlez-nous de la R & D, Le cœur du moteur et de cette extension de LMR 

Bertrand de Préville : Ce site réunit, pour la première fois, une équipe de R&D de plus de 35 experts – agronomes, biologistes et ingénieurs ! On expérimente toutes sortes de technologies d’extraction en un seul lieu, avec une augmentation de capacité de plus de 70 %. Distillation moléculaire, extraction au CO?, hydrodistillation… Ce n’est pas seulement une question d’équipements, mais d’expertise. Pour arriver à du sur mesure afin d’isoler des groupes de molécules d’intérêt pour les parfumeurs. Du jamais senti !  

Intérieur du nouveau site LMR Naturals agrandi à Grasse

Pouvez-vous donner un exemple ?

Bertrand de Préville : Prenons les cœurs de citrus que nous avons récemment lancés. Une essence d’agrume est généralement très volatile, elle disparaît vite. Nous avons réussi à concentrer certains aldéhydes, des molécules d’intérêt pour les parfumeurs et ainsi créer un cœur de citrus longue tenue, toujours 100% naturel bien sûr. Ces produits coûtent dix fois plus cher, mais on en utilise dix fois moins. Ils offrent aux parfumeurs des outils créatifs nouveaux, puissants et distinctifs.

Quel est l’impact sur la créativité des parfumeurs IFF ?

Bertrand de Préville : Ces produits exigent un réapprentissage. Il faut rééquilibrer les compositions. Mais c’est là toute la richesse : offrir aux parfumeurs de nouvelles « couleurs » pour leur palette, et donc la possibilité de créer les signatures olfactives de demain.

Nous avons évoqué Grasse mais votre écosystème s’étend au-delà … 

Sabrya Meflah : Notre démarche? « de la graine au flacon », mais aussi « de Grasse au monde entier ». Nous explorons par exemple de nouvelles pistes en Floride avec les agrumes, ou encore au Brésil, grâce à notre collaboration avec Reservas Votorantim. Nous allons y étudier près de mille espèces végétales, avec un laboratoire local ouvert, une forêt primaire, pour enrichir encore la palette des parfumeurs. 

Comment définiriez-vous votre mission aujourd’hui ?

Sabrya Meflah : Notre rôle est d’être là où les autres ne sont pas, d’innover et de surprendre. De nourrir les talents créatifs avec des ingrédients uniques, responsables et inspirants. En ce sens, ce nouveau site n’est pas un aboutissement mais une étape supplémentaire dans une aventure qui continue, à Grasse … Et dans le monde entier.

Crédits photos@IFF

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