Chanel, Rare Beauty, Cartier… Les bases parfumées annoncent une nouvelle gestuelle pour intensifier le sillage et réinventer le layering.
Par Virginie Rousset
Se parfumer ne se résume plus à vaporiser un spray sur la peau. Désormais, on prépare, on nourrit, on enveloppe la peau d’un sillage avant même d’appliquer la première goutte de parfum. Avec l’arrivée des bases à parfum (brumes, crèmes, huiles, baumes), signées Chanel, Cartier ou Rare Beauty, la parfumerie entre dans une nouvelle ère : celle du soin préparatoire. Un changement de paradigme qui dépasse le simple layering et transforme l’application du parfum en un rituel sensoriel complet, entre performance, personnalisation et émotion. Décryptage avec Lucille Gauthier-Braud, experte beauté-cosmétique.
La base parfumée : une révolution dans l’art de se parfumer
Longtemps, le parfum s’est appliqué en un seul geste : vaporiser, laisser s’évaporer, renouveler. Sur TikTok, la Gen Z qui a toujours un temps d’avance, prône depuis plusieurs mois l’application d’une base grasse sur la peau (comme la vaseline) avant de se parfumer pour faire durer son parfum plus longtemps. Guerlain était prescripteur il y a une quinzaine d’années déjà avec une crème corps conçue pour cela, Cartier a lancé en 2024 ses bases parfumantes. Mais aujourd’hui, des marques comme Chanel et Rare Beauty s’emparent vraiment du phénomène et le généralisent en proposent une étape préalable, presque un soin olfactif. « Il ne s’agit plus seulement de superposer des fragrances, mais de préparer la peau à les recevoir, comme on prépare une toile avant de peindre », explique Lucille Gauthier-Braud, experte beauté-cosmétique.
Un rituel inspiré du soin et du maquillage
Cette évolution s’inscrit dans une logique de ritualisation et de layering inspiré des routines coréennes, déjà à l’œuvre dans le soin et le maquillage (primer, sérum, crème). « Les consommateurs, surtout les jeunes générations, attendent une expérience immersive, pas seulement un produit, souligne-t-elle. Le geste préparatoire répond à cette attente en ajoutant une dimension tactile, sensorielle et même émotionnelle. »
Trois maisons, une même vision : le parfum comme expérience totale
Avec Gabrielle puis Coco Mademoiselle Fragrance Primer, Chanel formalise depuis cet été ce nouveau geste. Une brume corporelle, aux notes d’orange, jasmin et patchouli (pour Coco Mademoiselle) qui hydrate la peau et crée une base idéale afin de capter les molécules olfactives. « L’idée est de prolonger la tenue tout en ajoutant une dimension sensorielle à l’application du parfum », précise Chanel, première marque à avoir vraiment officialisé le terme « Fragrance Primer ». Cartier, pionnier en la matière, propose des crèmes et huiles à parfum. Ces textures riches, souvent associées aux grands classiques de la maison (comme La Panthère ou Déclaration), nourrissent la peau et fixent le parfum, pour un sillage plus durable et plus profond. « C’est une approche experte, presque confidentielle, qui séduit les amateurs de parfums d’exception », souligne Lucille Gauthier-Braud. Ultra Gen Z, Rare Beauty, la marque de Selena Gomez, lance en même temps un premier parfum et des baumes parfumés. Le parfum devient jeu et créativité. Avec ses baumes parfumés à superposer, Rare Beauty démocratise le geste et indique le mot « fragrance layering » sur ses packs. Ces baumes fondants, à appliquer avant ou après le parfum, intensifient la fragrance et permettent des combinaisons infinies. « J’adore les associer à notre Eau de Parfum selon mon humeur, confie Selena Gomez. Ils rendent le parfum ludique et personnel. »
Fragrance primer : une nouvelle philosophie olfactive
Le layering – l’art de superposer les parfums – a ouvert la voie à cette personnalisation olfactive. Mais la base parfumée va plus loin : il ne s’agit plus seulement de mixer des fragrances, mais de créer les conditions optimales pour que le parfum s’exprime pleinement. Face à la demande croissante de sillages plus tenaces et plus intenses, les bases à parfum offrent une solution efficace et élégante. « Les consommateurs ne veulent plus seulement un parfum qui dure, mais une expérience qui évolue dans le temps, avec des nuances et des surprises », analyse Lucille Gauthier-Braud. Autre innovation majeure : ces bases interagissent avec la peau. Les textures (brume, crème, huile, baume) modifient la façon dont le parfum se diffuse, en fonction de la chaleur corporelle, de l’hydratation, voire de l’humeur. « On passe d’une logique de produit à une logique de rituel, où chaque application devient unique », résume l’experte.
Parfum : une quête de sensorialité et d’émotion
Les consommateurs, surtout les jeunes générations, ne se contentent plus d’un parfum : ils cherchent une expérience multisensorielle. « Le geste préparatoire répond à cette attente en ajoutant une dimension tactile et émotionnelle à l’application du parfum », souligne Lucille Gauthier-Braud. Cette innovation reflète aussi une évolution du marché : 1. Les parfums deviennent des rituels : comme le soin ou le maquillage, il s’intègrent dans une routine beauté. 2. La personnalisation est reine : les bases à parfum permettent de créer une signature unique, adaptée à chaque moment. 3. Le luxe se réinvente : les marques premium (Chanel, Cartier) misent sur l’expertise et le storytelling, tandis que les marques grand public (Rare Beauty) démocratisent le geste. A l’avenir, « on peut imaginer des bases sur mesure, adaptées à chaque type de peau ou de parfum, ou encore des technologies de diffusion intelligentes, envisage Lucille Gauthier-Braud. L’important, c’est que cette gestuelle devienne un réflexe, comme le sérum avant la crème ».
Le parfum entre dans l’ère du geste préparatoire
Avec les bases à parfum, Chanel, Cartier et Rare Beauty ne font pas qu’innover : elles redéfinissent l’art de se parfumer. Ce n’est plus seulement une question d’odeur, mais de texture, de geste, d’émotion et de personnalisation. Une tendance qui, au-delà du layering, annonce une nouvelle ère pour la parfumerie – celle où le parfum devient une expérience totale, à vivre et à réinventer chaque jour.