Tilia : Un premier anniversaire enivrant

Marc-Antoine Barrois et Quentin Bisch, Givaudan ©FrancoisGoizé

Auréolé de prix, best-seller au même titre que Ganymède eu Europe, l’atypique Tilia, premier opus de la collection des Floraux est une promesse olfactive aux effluves de tilleul aldéhydé. Et se taille un succès aussi solide que l’arbre millénaire. Entretien avec Marc Antoine Barrois, le fondateur de la marque éponyme.

Par Marie-Bénédicte Gauthier

Tilla fête son premier anniversaire. Un beau succès. Comment l’interprétez-vous ? Tombe-t-il pile dans l’air du temps ?

C’est parti d’une intuition… Quand on a commencé à travailler sur les floraux avec Quentin Bisch (il y a quatre ans maintenant) on s’est dit : « Comment imaginer des floraux différents ? ». Une lueur s’est animée dans nos esprits : le désir de lumière, présent chez chacun. On savait déjà, avec la parfumerie d’aujourd’hui que les gens ont envie de parfums puissants avec une vraie signature. Mais quoi d’autre ? De se sentir rayonnants ! Quentin a ajouté : « Tu as tes planètes (Ganymède, B683 etc.), les floraux seront tes étoiles ! ». 

Vous parlez aussi d’un message d’espoir dans un monde de plus en plus chahuté …

Oui, au bureau un souvenir nous revient toujours. À la création de Tilia, la guerre en Ukraine faisait rage. J’ai demandé aux clients là-bas comment nous pouvions les aider, s’ils avaient besoin de couvertures ou de médicaments. Ils m’ont répondu simplement « Vos parfums sont déjà un voyage hors de la réalité, une bouffée d’évasion lorsqu’on se trouve dans une cave pendant les bombardements ». Tilia m’a rappelé une chose cruelle et vraie : le bonheur est fragile, d’un jour à l’autre tout peut basculer. La poésie olfactive si elle ne peut pas sauver le monde, offre un sas de bonheur. Sentir c’est vivre.

Tilia est porteur de ce message ?

Oui. La vie est fragile, tout peut basculer brutalement, mais il reste ces instants précieux que rien ne peut nous enlever. Pour célébrer le premier anniversaire de son lancement, nous avons d’ailleurs organisé un déjeuner champêtre, comme une parenthèse hors du temps, pour rappeler à chacun que le bonheur réside souvent dans ces moments-là. Nous avons invité les journalistes mais aussi nos fournisseurs. Mon mari, ma famille et mes enfants étaient aussi présents. Je voulais remercier chacun d’avoir participé à leur manière à la création de Tilia.

Comment avez-vous choisi le nom du parfum ?

Typiquement pour Tilia, tous les noms que j’avais en tête ne correspondaient pas au parfum. L’idée de quelque chose de très simple, de joli, de pur, a été inspirée par Quentin. Certes ce n’était pas le nom d’une étoile mais il ne faut pas se limiter dans son imaginaire !

La fragrance en elle-même, pacifiante, souffle un vent de naturalité, celui du majestueux tilleul enivré de nectar miellé. Pouvez-vous nous en parler ?

Mon inspiration pour Tilia m’a ramené vers des univers empreints de poésie et de naturalité : des souvenirs de Marcel Pagnol ou encore de la délicatesse d’un film comme Call Me By Your Name, où les instants de vie, loin de toute surconsommation, prennent toute leur force.
Le parfum évoque la promesse d’un été qui dure toujours, un tilleul en fleurs au mois de juin, perlé de nuances miellées, lumineuses et soutenues par une touche de jasmin qui lui confère une profondeur unique piquée d’aldéhydes très modernes. C’est cet équilibre qui a séduit.

Votre dernière création Aldebaran, une majestueuse tubéreuse évoque aussi la lumière, celle qui surgit du fond de la nuit. Pouvez-vous dire qu’il y a une forme d’idée commune ?

Oui, d’ailleurs lorsque je repense à la création de mes parfums, deux d’entre eux se sont imposés plus vite que les autres : Aldebaran et Tilia. Ils portent chacun une symbolique particulière : Aldebaran incarne l’optimisme, une lumière qui guide au cœur de la nuit, tandis que Tilia exprime la simplicité du bonheur quotidien. Deux approches différentes, mais toutes deux traversées par une même idée : l’espoir. 

Comment qualifiez-vous le travail de Quentin Bisch ?

C’est un travailleur acharné. Sa singularité tient à sa manière de sans cesse explorer, expérimenter et inventer de nouveaux outils olfactifs, comme un artisan qui forge ses propres instruments. C’est ce mélange de rigueur, de curiosité et de créativité qui donne naissance à une signature si forte et des parfums qui évoluent tout le temps sur peau. Il travaille avec sa laborantine sur des notes qui ne sont pas encore liés à des projets, juste pour remplir sa bibliothèque personnelle de nouveaux outils, de nouvelles sensations inédites.

Tilia a reçu deux prix lors de la cérémonie de la Fragrance Foundations Awards UK alors que vous étiez parmis les finalistes Prix du meilleur parfum de niche, catégorie marque indépendante à la Fragrance Foundation France. Comment le vivez-vous ?

Ganymède avait déjà été élue meilleure fragrance d’une marque de niche Indépendante aux Fragrances Foundations Awards France en 2020 et obtenu celui de Parfum Extraordinaire à la Fragrance Foundation UK la même année. Tilia en a reçu deux aux UK en 2025. Être récompensés à nouveau confirme que notre démarche touche juste, au delà des circuits traditionnels de la niche. Ce prix, que j’aime comparer aux Oscars du cinéma, n’apporte pas uniquement un trophée, il ouvre des portes et offre une visibilité immense auprès des professionnels.

Et le public ?

L’impact existe, notamment lorsque c’est relayé par la presse, les sites ou l’influence. Au cœur de tout cela j’ai aussi une conviction personnelle : le parfum doit rester accessible. Nous avons des prix qui restent abordables pour la niche, cet engagement fait partie de mes valeurs fondamentales. Je souhaite créer des parfums porteurs d’espoir et de poésie que les gens puissent s’offrir. D’ailleurs même si je les donne à mes parents, mes oncles ou cousins, ils continuent à les acheter ! Chacun devrait pouvoir rêver, s’évader, ressentir la force de la beauté olfactive sans se ruiner. Le sillage, la rémanence font aussi partie du respect des clients. Personnellement je suis fou amoureux de ce parfum dans ses moindres détails. Avec Quentin Bisch on a pris un risque olfactif original, mais finalement limité. Tout simplement parce que toute l’équipe y croyait. C’est comme ça que je vois les choses !

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