Rencontre avec Nino Amaddeo

Le cofondateur de Reminiscence revient au parfum avec une nouvelle marque de fragrances rares qui porte son nom. Interview d’un créateur qui n’a pas envie de prendre sa retraite.  

Nino Amaddeo, pouvez-vous nous parler de votre première rencontre avec le parfum ?

C’était à Londres, en 1967, sur le marché, j’ai rencontré un jeune homme qui revenait de Katmandou. Il sentait très bon, cet inconnu, et je voulais absolument son parfum ! Après négociation, il a accepté de me le vendre. Une odeur incroyable… Et c’est ainsi que j’ai fait la rencontre du parfum qui m’accompagnera toute ma vie : le patchouli. Je suis revenu sur la Côte d’Azur, j’ai fait du porte-à-porte dans tout le village de Grasse pour trouver un parfumeur et j’en ai rencontré un, assez fou pour me suivre dans cette aventure. Il a fait des essais, mais le patchouli n’était jamais assez intense, et moi j’en voulais toujours plus : « Plus fort, plus puissant ! » et lui me répondait à chaque fois « Mais Nino, tu ne pourras jamais le vendre ».

Pourquoi avoir décidé de créer votre marque de parfums ?

Lorsque j’ai vendu Reminiscence, j’ai pensé prendre ma retraite, jouer au golf, faire comme tout le monde. Mais après une semaine je ne tenais déjà plus en place. Je m’ennuyais et la création me manquait. Chaque voyage, chaque paysage m’inspire de nouvelles créations, alors j’ai décidé de revenir. J’ai encore tellement de fragrances à découvrir et à créer. Quand j’ai vu les progrès techniques d’aujourd’hui comparé à ceux de mes débuts, avec tellement de nouvelles possibilités, je me suis dit qu’il fallait que je recommence. J’avais l’impression de regarder la Coupe du Monde sans y participer. Mais je voulais être Mbappé, alors je suis revenu ! En fait, c’était plus fort que moi, j’avais une sensation d’inachevé comme si j’avais abandonné mon enfant. Je voulais retrouver les sensations et l’excitation de la création. Je me sens tellement accompli quand j’ai fini une nouvelle collection, cela me rend heureux et j’ai envie de partager ce sentiment. Lorsque je crée, j’ai l’impression de partir dans un grand tunnel tout noir et à chaque fois qu’une idée surgit, elle apparaît comme une petite touche de lumière qui éclaire mon chemin jusqu’au bout. 

Avez-vous des matières premières de prédilection ou des odeurs qui vous font vibrer ? 

Oui bien sûr, j’aime tout ce qui est beau et qui suscite des émotions. Mais ma grande histoire d’amour reste le patchouli ! J’ai également un affect particulier pour la bergamote de Calabre qui me rappelle mes origines italiennes, et pour la rose Centifolia, fruit de ma terre d’adoption. 

Masculins, féminins, mixtes : Vous avez fait le choix de parfums genrés. Pourquoi ? 

J’ai fait le choix de différencier Gamme Femme et Gamme Homme car elles ont chacune leur univers propre. La collection masculine est un reflet de ma personnalité complexe, tandis que la collection féminine est un hommage aux femmes de ma vie, ma fille, mais aussi ma muse, Zoé Coste*. Mais dans les faits, la plupart de nos parfums sont mixtes ! Ce sont des parfums «matière», travaillés autour d’ingrédients naturels qui séduisent à la fois les hommes et les femmes. Nos clients les ont adoptés de façon naturelle, sans se fixer sur un genre particulier.

Avez-vous des parfumeurs fétiches avec qui vous aimez travailler ? 

Bien sûr ! Je travaille en direct avec les parfumeurs, avec qui j’ai lié une profonde amitié au fil des années. Fabrice Pellegrin chez Firmenich en fait partie. Il comprend ma signature olfactive comme personne et nous n’avons plus besoin de formaliser de brief entre nous, une simple conversation suffit pour qu’il sache où aller. Je travaille également beaucoup avec les parfumeurs de Robertet, mon partenaire historique. Mon coup de cœur va à Angeline Leporini, qui a réalisé des merveilles pour nous. Elle a, comme moi, une affinité particulière avec la rose Centifolia et cela me plaît beaucoup. 

Quels sont vos projets pour votre marque ? Avez-vous envie de revenir aux bijoux ? 

Le plus gros projet, c’est de se réinventer chaque jour pour faire encore mieux. J’ai envie d’y aller à fond, de découvrir de nouveaux marchés que je n’avais pas eu l’occasion d’explorer, de créer des parfums qui me font vibrer, et bien sûr, de recréer une ligne de bijoux. C’est comme pour les parfums, j’avais ce sentiment d’inachevé. Alors oui, j’ai envie d’y revenir et pour être tout à fait honnête, notre première ligne est déjà en préparation, mais chut… c’est encore un secret ! Je me consacre aussi à l’évolution de ma collection de parfums, pour la faire grandir pas à pas. Je travaille constamment sur des nouveautés et certaines devraient voir le jour cette année. 

(*) Compagne de Nino Amaddeo et cofondatrice de Reminiscence, décédée en 2007.  https://www.nino-amaddeo.com

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