« L’ère est à la naturalité, à la responsabilité, à la personnalisation et au digital »

Rencontre avec François-Patrick Sabater, dirigeant de TechnicoFlor, une maison de composition « naturellement engagée » qui fête cette année ses 40 ans. A cette occasion, le fondateur revient sur son parcours exceptionnel et livre sa perception de la parfumerie du futur.

François-Patrick Sabater entouré de ses fils Christopher (à gauche sur la photo) et Jeremy (à droite)

Pouvez-vous nous parler de votre rencontre avec le parfum ? Qu’est-ce qui vous a incité à créer votre propre maison ?

J’ai eu la chance de grandir à Grasse avec un père parfumeur. J’ai donc baigné dans le monde du parfum dès mon plus jeune âge. C’est un milieu qui m’a toujours attiré, parce que c’est un métier de passion. Après une expérience en tant que de directeur commercial pour une marque de parfums, j’ai décidé en 1981, alors que j’avais tout juste 25 ans, de créer TechnicoFlor, une maison de composition de parfums basée non pas à Grasse… mais à Marseille. 40 ans après, je pense que le défi est réussi !

Qui sont vos clients ?

Nous fournissons depuis 40 ans les plus grands noms de la parfumerie et de la cosmétique à travers le monde. Nos compositions parfumées entrent dans de nombreuses applications : parfums, soins et cosmétiques, produits d’hygiène (gels douche, produits coiffants… mais aussi gels hydroalcooliques), parfums d’ambiance, produits d’entretien et lessives, etc.

Comment se répartit votre activité à l’international ?

Nous réalisons aujourd’hui plus de 60 % de notre chiffre d’affaires à l’export. Notre siège est à Marseille, nous avons un centre de création à Paris ainsi que des bureaux à Dubaï, Singapour, Guangzhou, et prochainement à Moscou. Nous avons également des centres de production à Shanghai, Jakarta et ouvrons prochainement deux nouvelles usines 2.0, à Marseille dès le mois de mai, et à Beautéville, nouveau pôle de la beauté en Chine, dès 2022.

La nouvelle usine TechnicoFlor, à Marseille

Justement, pouvez-vous nous parler de cette usine éco-pensée à Marseille ?

Notre nouvelle unité de production, d’une surface de 5000 m² est en effet éco-pensée. Cette usine 2.0 entièrement automatisée permettra de doubler notre production pour faire face à la croissance importante de notre activité. Cet investissement nous aidera également à absorber nos futures croissances externes. C’est un site de production conforme aux normes environnementales 2020 avec un système d’optimisation des énergies : gestion automatisée de l’électricité du bâtiment, panneaux photovoltaïques pour recharger les véhicules hybrides, optimisation de la gestion de l’eau avec la mise en place d’un système de nettoyage haute pression et d’un bassin de rétention d’eaux pluviales pour alimenter notre futur jardin parfumé.

Concernant le centre de production à Beautéville, quels sont vos projets et vos ambitions ?

Nous sommes la première maison de composition française à s’installer dans la nouvelle « Cosmetic Valley » chinoise. Notre unité de production basée à Shanghai est en effet déjà saturée. Afin d’accompagner notre croissance importante en Asie (qui représente 30 % de notre CA), nous inaugurerons cette nouvelle usine entièrement automatisée courant 2022 sur un terrain de 10 000 m² pour livrer le marché chinois, mais aussi toute l’Asie dans les délais les plus courts. Cette usine sera exactement aux mêmes standards que notre nouvelle usine française.

Les consommateurs chinois s’intéressent-ils davantage au parfum qu’avant ?

Oui, le marché de la parfumerie en Chine est en plein essor, notamment grâce aux jeunes consommateurs, curieux et hyper connectés, friands du e-commerce. Les marchés les plus porteurs sont les produits de soins de la peau et les produits de soins capillaires. L’attractivité des cosmétiques français est très forte sur le marché asiatique. Néanmoins, les consommateurs chinois sont de plus en plus favorables aux créations lancées par les marques locales. Il y a également un réel engouement pour les ingrédients naturels et même dits « ancestraux ».

Vous avez créé un indice de biodégradabilité des parfums. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

En tant que parfumeurs engagés, nous essayons d’aller toujours plus loin dans notre approche responsable. Déjà spécialisés en formulation naturelle depuis plus de quinze ans, nous entrons désormais dans une nouvelle ère. Nous avons lancé en 2020 un nouveau programme d’achats responsables, Better Tomorrow, et nous avons développé un nouvel outil, BioD-Scent, qui permet de fournir à nos clients le pourcentage de biodégradabilité de nos compositions parfumées. Nous pouvons donc désormais créer des formules 100 % biodégradables !

Quelles autres actions RSE envisagez-vous ?

Ces deux outils sont les premiers pas vers la création d’un « Eco-Score » qui prendra en compte des critères bien plus larges, sur toutes les étapes du cycle de développement de nos parfums. 2021 sera donc marquée par le renforcement de notre politique RSE, plus impliquante et engageante pour l’ensemble de nos collaborateurs. Notre souhait est de générer une prise de conscience dans le monde de l’industrie et d’encourager nos partenaires à nous suivre dans cette démarche.

Comment imaginez-vous votre succession à la tête de l’entreprise ?

TechnicoFlor est une société familiale et indépendante. Mon fils aîné Jeremy est parfumeur comme l’était mon père, et mon fils cadet Christopher est responsable commercial de la zone Moyen-Orient. Même si ma succession n’est pas pour tout de suite, j’ai préparé mes deux fils, notamment Christopher qui a un profil plus adapté pour le poste que j’occupe aujourd’hui ,et je ne doute pas de ses compétences pour me succéder.

Quelles sont les tendances que vous voyez poindre dans la parfumerie ?

L’ère est à la naturalité, à la responsabilité, à la personnalisation et au digital.

Il y a tout d’abord une forte prise de conscience environnementale, avec des formules respectueuses de la nature car les ressources naturelles ne sont pas illimitées. Nous regardons de très près les biotechnologies et les matières premières renouvelables.

Cela s’accompagne d’une plus grande transparence. Les consommateurs sont de plus en plus curieux et informés, ils souhaitent des formules « safe », inoffensives pour la planète et sans risque pour leur santé. Nous offrons une totale transparence à nos clients, aussi bien sur l’approvisionnement de nos matières premières que sur la formulation. C’est une approche unique dans notre profession, mais nous espérons que cela deviendra la norme.

La troisième tendance que je vois est un désir de personnalisation accru. L’heure est à la personnalisation des parfums, ce que confirme la croissance forte des marques de niche.

Quid du développement du digital ?

Il est de plus en plus au cœur de l’expérience client. Aujourd’hui, un nombre croissant de cosmétiques dits « expérientiels » sont vendus avec un outil numérique. Il peut s’agir d’objets connectés, de machines produisant un soin sur mesure, d’un miroir virtuel pour tester du maquillage, mais également d’outils mis à disposition sur les points de vente pour déclencher l’acte d’achat : tablettes odorantes, vitrines connectées…. Il y a fort à parier que ce type de technologies fera partie intégrante du shopping parfum de demain.

Que vous inspire la période actuelle ?

Il y a une tendance post-Covid dans le parfum. Compte tenu de cette crise sanitaire mondiale, à la fois stressante et morose, on constate un besoin des consommateurs de notes plus relaxantes, apaisantes qui se veulent rassurantes. On note également, à l’inverse, un besoin de fun, d’évasion avec des notes originales, pétillantes et surprenantes.

http://www.technicoflor.fr/

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