Rencontre avec Luc Gabriel de The Different Company

Fondée par Thierry de Baschmakoff et Jean-Claude Ellena en 2000, The Different Company souffle cette année ses vingt bougies. Nous avons rencontré Luc Gabriel qui dirige cette marque de parfums rares depuis 2004.

Luc Gabriel et sa femme Sophie qui travaille également au développement de la marque

Bonjour Luc, pouvez-vous nous parler de votre première rencontre avec le parfum ? 

L’odeur de la mer et du cèdre du Liban, au printemps sur la côte bretonne nord. 

Dans la vie de tous les jours quelles odeurs vous font vibrer ? Y a-t-il à l’inverse des odeurs que vous aimez moins ou pas ? 

Les odeurs les plus sensuelles et évocatrices, pour moi, sont les fleurs charnues, mais sans notes sucrées, typiquement les roses. A l’opposé, et bien que je passe beaucoup de temps à réaliser des pâtisseries, les notes sucrées peuvent très vite devenir écœurantes. 

The Different Company fête cette année ses 20 ans. Depuis quand dirigez-vous la marque ?

J’ai repris la maison en 2004 au tout début de l’histoire. Nous sommes passés d’un projet un peu fou dans un marché inexistant à une marque installée dans un marché en forte croissance. Et depuis l’origine de la maison nous n’avons pas dérivé du credo initial (créativité, fragrances uniques et différentes, émotion, qualité des matières, personnalité des parfumeurs) même si aujourd’hui de nombreuses marques ont repris ces thèmes.  

Comment choisissez-vous les parfumeurs avec qui vous avez travaillé ?

Le choix d’un parfumeur est toujours réciproque, il faut avoir envie de travailler ensemble. Le plus important est le partage d’une vision et la construction d’un langage commun. Il m’est arrivé de parler de formes et de couleurs pour évoquer des notes et on ne peut pas lâcher « c’est un peu trop vertical et trop rouge » à tout le monde en étant certain d’être compris. J’ai trouvé cette osmose avec des parfumeurs de grand talent comme Emilie Coppermann, Bertrand Duchaufour ou Alexandra Monet qui restent simples et spontanés, ce qui est un bonheur dans les séances de travail. De grands créateurs ont travaillé pour la maison (on peut également citer Christine Nagel et Jean-Claude Ellena). Chacun avec sa personnalité : spontanée, réfléchie, ombrageuse, raisonnée, philosophe, ou plus technique. 

Al Sahra, créé par Emilie Coppermann

Cuisine, art, littérature, voyages, rencontres… quelles sont vos influences créatives ? 

Tout ça et encore plus… Chaque instant est potentiellement source d’inspiration : il faut en permanence être ouvert à son environnement, sentir et ressentir, se laisser porter, chercher, associer. Mais le plus fréquent restent les expériences sensorielles directes (voyage, cuisine, rencontres) et les émotions que parfois on découvre ou redécouvre. Mais il ne faut pas oublier le filtre indispensable pour passer de l’expérience à la conception. 

Pour imaginer des fragrances davantage émotionnelles que figuratives ?

Nous ne cherchons pas à retranscrire une odeur, mais plutôt une sensation, une vision. C’est à ce moment qu’on retrouve l’importance du langage commun pour travailler avec un parfumeur. Pour Al Sahra, notre dernier né, c’est l’expérience du désert et cette émotion particulière entre la douceur du sable, la sécheresse du vent et l’odeur des pierres qui a été au centre de la création. 

Quelles sont les fragrances The Different Company qui rencontrent le plus de succès ?

Pendant 7 ans, Osmanthus de Jean-Claude Ellena a été le bestseller dans tous les pays, puis ce fut Pure eVe et Sublime Balkiss créés par Céline Ellena, qui restent aujourd’hui dans les 5 premiers. Depuis quelques années, Une Nuit Magnétique créé par Christine Nagel, Santo Incienso par Alexandra Monet et Maja?na Sin par Emilie Coppermann sont les parfums qui rencontrent le plus de succès. La notion de bestseller se reconnaît par deux critères : une part disproportionnée dans les ventes de la maison et un succès dans tous les pays (plus de 45 pays dans lesquels la marque est présente) quelles que soient les différences de cultures olfactives. Le parfum serait donc le reflet d’une expérience collective et inconsciente ? Si oui, le confinement de 4 milliards d’individus aura sans doute un impact sur les préférences olfactives globales

Santo Incienso, créé par Alexandra Monet

Pour conclure, quelles tendances originales voyez-vous pour les parfums demain ?

Difficile de savoir quelles tendances se dessinent, mais on peut discerner les évolutions des attentes dans les différents pays selon leur degré de « maturité » olfactive. Je vois toutefois deux axes assez différents. Soit la matière simple et sublimée (une rose, un santal) juste entourée par d’autres composants pour la « porter », soit le concept ou l’émotion déconnectés de toute référence aux composants olfactifs (le concept du soleil parisien par exemple). Cela dit, les points communs resteront identiques : plus de naturel, de composants inoffensifs pour la peau, plus de simplicité et d’authenticité. 

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