Hommage à Serge Mansau

On le repérait de loin,  Serge Mansau, avec sa longue silhouette noire et blanche, cheveux gris en bataille, pantalons noirs et longues chemises blanches ou noires. On les admirait, ses longues et belles mains qui savaient raconter une forme en devenir, caresser un flacon ou lisser un dessin, mais aussi travailler la matière, métal ou verre, bois ou pierre. On écoutait cette voix un peu sourde expliquer les chemins de son imaginaire, tellement riches et sensibles. Serge Mansau a certes laissé derrière lui des centaines de flacons de parfums. Mais c’était avant tout un créateur, un sculpteur, un touche-à tout d’exception. Un éternel adolescent qui se réjouissait du beau et aimait le partager. Notamment avec Estelle, sa femme et sa muse.

Je me souviens de la première fois où je suis allée l’interviewer, dans son atelier. Un grand monsieur, timide au premier abord et qu’il fallait apprivoiser. Professionnel avant tout, il avait couvert de tissus toutes les boites qui renfermaient ses projets de flacons. « Cachez moi ces flacons que je ne saurais voir…». Et au fil des minutes et des échanges, au fil des silences aussi, et parce qu’il était heureux de parler de son métier et d’en expliquer les méandres, il avait entr’ouvert pour moi certains de ces tiroirs secrets. Avec émotion, j’étais entrée dans le temps de la création. Inoubliable.

Ses propos sur le beau universel étaient limpides : « j’ai autant de plaisir à travailler sur un parfum de grande distribution que sur un parfum de luxe. Je ne vois pas pourquoi le beau serait réservé aux marques de prestige ». Et il oeuvrait avec autant de passion pour une cologne ou un parfum de mass-market que pour les grands noms de la parfumerie.

Parmi ses premières créations, Fidji de Guy Laroche et Climat de Lancôme. Suivirent les Cerruti, Cartier, Montana, Dior, Guerlain, Givenchy, Lauder, Hermès, Scherrer, Cavalli, G.F.Ferre, Lanvin, Lubin… sans oublier nombre de parfums Kenzo, dont Le monde est beau, « une fleur posée sur un galet » et le Flower bien sûr.

Lorsque la Fragrance Foundation France avait fêté ses 20 ans, en 2012, cinq parfums dont les flacons avaient été créés par Serge Mansau s’étaient vus attribuer un FIFI Award :
Tocade de Rochas en 1995, Dolce Vita de Dior en 1996, Organza de Givenchy en 1997, Pi de Givenchy en 1999, Flower by Kenzo en 2001. C’était le plus « titré » des designers de cette période. Et avant 1992, n’oublions pas ses créations mythiques, notamment Ô de Lancôme ou Parfum de Peau de Montana.

Dans un livre qui lui était consacré, une phrase d’exergue, taillée sur mesure pour Serge Mansau :
« Le génie, c’est l’enfance retrouvée à volonté. »
Merci Serge de nous avoir donné l’envie du beau et de cette élégance sans prétention.

Sabine Chabbert

 

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