Parfum et littérature, les liaisons heureuses

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crédit photo : Pol Barril – document Guerlain

En pleine rentrée littéraire, la Maison Guerlain annonce la création d’un nouveau prix récompensant la catégorie des nouvelles olfactives. En partenariat avec le cherche midi éditeur et un jury prestigieux, « Les Abeilles de Guerlain » récompenseront des plumes inédites et publieront en Mai 2015 un recueil de 20 textes en format court. Des histoires, récits ou aventures qui font leur miel de la mémoire olfactive, le thème du concours… Un nouvel épisode s’écrit dans les relations entre parfumeurs et belles lettres.

Depuis l’Antiquité, tous les genres littéraires se sont penchés sur le parfum. L’ouvrage de Frédéric Walter « Extraits de Parfums » (Editions du Regard – 2013) dresse une anthologie minutieuse de Platon à Colette, mettant en lumière trois grands théoriciens du parfum : Baudelaire, Huysmans et Proust. Si, dans l’esprit du grand public, la petite madeleine illustre avec brio la notion de déclencheur sensoriel de souvenirs, Frédéric Walter analyse aussi toutes les figures de styles qui rapprochent la sphère des odeurs de celles des idées. Métaphores ou jeux de correspondance se partagent entre le registre animal et celui du pur raffinement. Le parfum est une matière romanesque. Balzac, Giono ou Maupassant l’ont bien senti en dotant leurs personnages d’un sens des odeurs hyper développé. Dans la littérature contemporaine, Patrick Süskind a captivé ses lecteurs avec Jean-Baptiste Grenouille à l’odorat surhumain et à la signature olfactive malléable à volonté. En 2013, les Editions Actes Sud ont ouvert une nouvelle collection dédiée aux réminiscences du nez : « Essences ». Des auteurs, telle Cécile Curiol dans « À vue de nez », y explorent les parallèles entre le cheminement de l’imaginaire et le développement d’un motif parfumé.

Si les écrivains cherchent à capturer les fragrances à l’aide des mots, le rapport s’inverse régulièrement. Un passage du texte dense et imagé de Jean Giono «Jean le Bleu » a inspiré Jean-Claude Ellena pour la création de la dernière-née des Hermessences « Cuir d’Ange ». Une dénomination toute paradoxale qui laisse pressentir une architecture complexe… En substance, les arts s’inspirent, dans un jeu de miroir et de fascination réciproque. On peut citer la démarche de l’éditeur de parfums Frédéric Malle. Ou la bibliothèque de la parfumerie de niche « Histoires de Parfums », dont le parfumeur Gérald Ghislain met en avant la dimension narrative des compositions. À la manière d’une biographie, certains jus campent le portrait de personnages historiques comme le Marquis de Sade.

Les affinités électives entre les deux sphères sont nombreuses. La maison Guerlain est connue pour avoir livré sa vision de deux ouvrages du XXème siècle : « Vol de nuit » de Saint Exupéry et « Chamade » de Françoise Sagan. En 1995, Lancôme s’est aventuré sur le terrain poétique avec « Poême », et ses quelques vers écrits de la main de l’égérie-muse Juliette Binoche. Aujourd’hui, on parlerait d’un storytelling destiné à s’approprier et rendre lisible un univers complexe, à la limite de l’indicible. Cette semaine, dans le cadre des Rives de la Beauté, le parfum tient salon au lieu dit le Salon by Thé des Écrivains. Lors de ces ateliers olfactifs-littéraires, chacun sera invité à jeter des passerelles entre les fragrances et les mots, comme à livre ouvert. Un bel exercice de style.

Les Abeilles de Guerlain

Les Rives de la Beauté

 

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